L'Algérie de plus près

Prochainement aux éditions Les Presses du Chélif : « Les statuts de la discorde » de Djamal Kharchi

Le roman de Djamal Kharchi est une histoire dans l’Histoire qui traduit on ne peut mieux la marche contrariée de l’Algérie vers le progrès. Plus l’État consent des efforts pour la promotion des sciences et de la culture, plus l’ignorance et l’intolérance se propagent au sein de la société.

Et c’est justement ce phénomène que traite l’auteur avec art et subtilité.

Le personnage principal du roman, une archéologue, s’oppose de toutes ses forces à une bande de charlatans qui exigent l’arrêt des fouilles archéologiques après la découverte fortuite d’un site antique sur le chantier d’une future école. Cela, sous le fallacieux prétexte que les objets exhumés, essentiellement des statuettes datant d’une époque jusque-là ignorée, représenteraient d’anciennes divinités de la gentilité et qu’elles devraient être détruites. Estimant qu’elles sont l’incarnation même du Diable, leur mise au jour constitue, selon eux, un sacrilège et une offense à la religion.

Extraits :

« Depuis l’installation du chantier de construction de la future école, puis du chantier de fouilles, chaque jour apportait son lot de rumeurs. Certaines duraient l’espace de quelques heures au fil desquelles le bouche-à-oreille leur faisait faire le tour de la ville, puis finissaient par s’éteindre toutes seules. Les rumeurs les plus folles se succédaient, des bruits insensés naissaient et mourraient dans cette ville qui chancelait encore, toute étourdie de ses secousses à l’heure du soleil levant. Bruits et rumeurs circulaient, courraient plus vite que la réalité qu’ils tenaient à bonne distance. Quelle folie s’était emparée de la ville nouvelle et de ses habitants ? Beaucoup chez qui la logique tenait lieu de règle de conduite dans la vie étaient les premiers à croire aux pires absurdités, à toutes sortes d’aberrations. »

« La ville entière était au courant des folies de Bendris ne manquait pas d’affabulations sur son compte. Il se racontait qu’un être invisible avait pris possession de son corps après qu’il soit descendu dans l’enceinte souterraine, qu’il l’habitait, vivait en lui. Que par exemple Bendris parlait à quelqu’un d’invisible auquel il avait donné un visage, des traits, un tempérament, un génie malfaisant dont il ne devait pas trahir le secret. Que Bendris s’adressait à lui avec des mots d’une langue inconnue qu’il était seul à comprendre. Que sa descente dans l’enceinte souterraine n’était pas le fait du hasard. Elle relevait d’une visite dans l’autre monde. »

« Il se disait aussi que l’enceinte souterraine était un des premiers lieux de l’idolâtrie, à l’image des temples d’Abou Simbel sauvés de l’immersion sous les grandes eaux du Nil à la construction du barrage d’Assouan. En ce qui concerne la statue bicéphale, la rumeur colportait que tous ceux qui la fixaient du regard disparaissaient à jamais. Une autre version disait qu’elle ne réfléchissait pas son ombre à la lumière, mais celle du Malin. Une de ces nombreuses rumeurs prétendait que la ville était infestée de mauvais génies qui avaient pris des corps d’emprunts. Que tout allait finir. L’heure éternelle de l’Apocalypse où le temps s’arrête. La rumeur était renforcée par la survenance de la bourrasque de la veille, perçue comme un premier signe de la fin. Personne ne devait se faire d’illusion là-dessus. C’était une copieuse fournée de rumeurs aussi incroyables les unes que les autres. »

« Les statues de la discorde » de Djamal Kharchi. Éditions « Les Presses du Chélif ». 260 pages.

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